Depuis juin 2019, EIC Accelerator remplace le mécanisme de subsidiation européen Instrument PME, destiné à accélérer l’émergence de futurs champions parmi les petites et moyennes entreprises européennes. Ce subside comble le fossé existant entre les financements de la recherche d’innovations disruptives et leur mise sur le marché.
Instrument PME, le programme de soutien européen au financement des projets innovants des PME couvrant la période 2014-2020, se basait sur un processus sélectif en deux étapes : une phase 1 de financement des études de marché et business plans, et une phase 2 de préparation à la commercialisation. En outre, une phase 3 accompagnait les lauréats de la phase 2 en termes de coaching et de networking international. Mi-2017, une évaluation a jugé que l’Instrument PME pouvait être amélioré et a préconisé d’en accélérer le retour sur investissement afin de mieux répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises européennes. C’est dans ce contexte qu’a vu le jour une nouvelle mesure : EIC Accelerator. Sa phase-pilote court jusqu’en 2020 avec une enveloppe globale de plus de 1,8 milliard d’euros, dont 654 millions pour l’année qui vient.
Que finance EIC Accelerator ?
Le nouveau dispositif de l’Union européenne se compose de deux piliers :
Le pilier Grant finance les coûts de développement de projets innovants pour des montants allant de 500 000 euros à 2,5 millions d’euros, et ce, sur une période de 24 mois maximum. Plus concrètement, EIC Accelerator couvre :
- 70% des coûts directs liés à la commercialisation du projet : salaires, consommables, matières premières, coûts des prototypes et des tests sur les marchés visés, certifications, frais de déplacement, développement des lignes pilotes, amortissement des immobilisations durant le projet, ainsi que toutes les dépenses amenant le projet à maturité avant une mise sur le marché ;
- jusqu’à 25% des coûts indirects induits par le projet ;
- certains coûts de sous-traitance.
Le pilier Blended Finance (optionnel) permet de financer la mise sur le marché proprement dite, soit par des avances remboursables soutenues par la Banque européenne d’investissement (BEI), soit par l’entrée au capital d’investisseurs privés. Le tout pour un montant de 15 millions d’euros maximum.
Quels sont les critères d’éligibilité ?
Différentes conditions doivent être réunies simultanément. Épinglons-en quatre parmi les plus importantes :
- Être une entreprise basée dans un des pays membres de l’UE ou ayant signé un accord de coopération dans le cadre du programme Horizon 2020.
- Être une PME, au sens européen de la définition : moins de 250 travailleurs en équivalents temps plein et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou moins de 43 millions d’euros de valeur de bilan.
- Avoir un projet innovant et disruptif, proche de la commercialisation : l’entreprise doit être en phase de prototypage (biens manufacturés), en beta-test (logiciels, applications smartphone) ou en phase 2 d’essais cliniques (industrie pharmaceutique).
- Avoir des ambitions internationales pour le projet au sein de ou au-delà des frontières européennes.
« Les entreprises qui réussissent répondent, bien sûr, à ces critères, mais cela ne suffit pas pour se différencier dans une course des plus compétitives », prévient Laurie Pilo, directrice générale d’Ayming Belgium, société de conseil en performance financière qui, avec son partenaire spécialisé Inspiralia, soutient les entreprises dans le processus complexe de dépôt de candidature. « Dans la pratique, des soft skills telles que sont également prises en compte lors du pitch. C’est pourquoi les experts d’Inspiralia s’assurent que les porteurs de projet soient des personnalités suffisamment charismatiques pour pouvoir convaincre les membres du jury de sélection, qu’elles maîtrisent parfaitement leur sujet et soient capables de s’exprimer dans un anglais courant. »
Comment se lancer dans la course ?
Entre tous les candidats, la compétition fait rage puisqu’elle se base sur deux classements successifs. Un premier écrémage s’effectue lors d’une sélection sur dossier et, à ce stade déjà, seul un candidat sur deux est retenu. Les porteurs de projet sélectionnés assurent, ensuite, une présentation physique de 30 minutes, sur base de laquelle seuls 10% auront finalement accès au dispositif de financement. Laurie Pilo : « Si on se lance dans la course sans préparation, le taux de succès est donc d’environ 5%. C’est très faible ! Il est dès lors conseillé de se faire accompagner et, surtout, grâce aux feedbacks reçus à chaque étape, il est possible de représenter son projet dans une version améliorée. »
Pour introduire sa demande initiale, l’entreprise est tenue de fournir un dossier de 30 pages maximum, selon un formalisme précis, résumant son projet, sa valeur ajoutée, son étude de marché et le business plan associé. Les évaluateurs vont estimer la pertinence et l’originalité de ce dossier selon trois critères :
- l’excellence du projet ;
- l’impact de l’innovation sur son marché et sur la croissance de l’entreprise (création de valeur et d’emplois) ;
- la qualité et l’efficacité du déploiement.
Suivant le classement établi, les porteurs de projet sont alors invités à venir le pitcher (en anglais) pendant 30 minutes à Bruxelles, devant un jury composé de quatre à cinq évaluateurs issus du monde financier et entrepreneurial. Dans les semaines qui suivent, les résultats sont proclamés et servent de base à un accord de subvention qui permet de débloquer les fonds.
Et les PME belges dans tout ça ?
Si on examine l’historique des attributions de l’Instrument PME jusqu’à son dernier call en septembre 2019, 2,3 milliards d’euros ont été distribués depuis le début du dispositif[1]. Sur cette manne, 36,6 millions d’euros seulement ont été captés par les PME belge (1,5% du total), ce qui place notre pays au 16ème rang des États bénéficiaires. L’Espagne, la France et l’Allemagne caracolent en tête, totalisant 718 millions d’euros de subsides. Pour Laurie Pilo, « . De plus, selon le baromètre 2019 du financement de la R&D réalisé par Ayming, à peine 15% des PME innovantes belges connaissaient la mesure, ce qui est, évidemment, très insuffisant. »
Dans le cadre de la phase 2 de l’ex-Instrument PME, seuls 16 projets belges ont été subsidiés entre 2014 et 2019 pour un montant total de 31,28 millions d’euros, soit un subside moyen de 1,95 million d’euros par projet. Ce montant se situe au-dessus de la moyenne internationale qui est de 1,68 million d’euros. « Ceci démontre la qualité des projets lauréats belges. Toutes choses égales par ailleurs, si l’on considère que le coût du travail est plus élevé en Belgique que dans les autres pays, on comprend aussi mieux pourquoi leurs besoins en financements sont plus importants qu’ailleurs », commente Laurie Pilo.
À noter encore qu’il existe certaines disparités régionales au niveau belge : un seul projet a été financé en Région bruxelloise pour un montant de 1,75 million d’euros, contre 3 projets en Wallonie pour un montant total de 3,53 millions d’euros (moyenne par projet de 1,17 million d’euros) et 11 projets en Flandre pour un montant global de 21,55 millions d’euros (moyenne par projet de 1,96 million d’euros).
Le premier call du nouveau dispositif EIC Accelerator a eu lieu le 9 octobre dernier. Les résultats publiés le 5 décembre dernier montrent que, cette fois, la Belgique a un meilleur taux de conversion que la moyenne. En effet, avec 5 projets lauréats sur 37, le taux de conversion approche les 13,5%, là où la moyenne du call est de 4%.
« Parmi les projets gagnants, un de nos clients, basé en Wallonie, a décroché près de 2 millions d’euros, un résultat dont nous sommes très fiers non seulement parce que l’entreprise a été distinguée dès la première soumission, mais aussi parce que son projet a un réel impact environnemental , se réjouit Laurie Pilo.
EIC Accelerator en un coup d’œil
La création d’une structure dédiée et 100% opérationnelle pour porter la mesure : le Conseil européen de l’innovation (EIC). Pour obtenir des fonds en 2020, ne tardez plus ! Quatre échéances sont prévues pour les calls en 2020 : le 8 janvier, le 18 mars, le 19 mai et le 7 octobre. Compte tenu de l’engagement de l’UE à verser les fonds endéans les six mois après la soumission du projet, il est encore possible d’obtenir des fonds l’année prochaine, en soumissionnant avant l’une des trois premières dates butoir. « Si une entreprise soumet son projet pour le call du 18 mars, par exemple, et que celui-ci est retenu pour la seconde étape, elle sera invitée à pitcher la semaine du 13 au 17 mai, à Bruxelles. Les délibérations auront lieu immédiatement après et les résultats proclamés en juin. Si le projet de l’entreprise est lauréat, le temps de mettre en place la convention de subvention (grant agreement), le premier versement aura lieu en septembre », explique Laurie Pilo, directrice générale d’Ayming Belgium. « En toute hypothèse, si l’on suit la logique de la phase 2 de l’ancien Instrument PME, les versements s’effectuent comme suit : 40% lors du premier versement, 30% à mi-projet et les 40% restants à la clôture. » |
[1] Chiffres officiellement disponibles en date du 9 décembre 2019.
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